Comment évaluer la charge de travail et poser des objectifs à un recruteur ?
Est-ce qu’un recruteur doit gérer 15, 20, 25 ou 30 postes ?
Cette question revient sans cesse dans les discussions, et je pense même qu’aucun de nos clients n’a jamais manqué de la poser !
Nous allons ici vous partager notre savoir-faire et nos outils, pour tenter de répondre ensemble aux questions suivantes :
Qu’est-ce qui fait que certains recrutements demandent plus de travail que d’autres ?
A quel moment je sais si j’ai besoin d’embaucher une personne en plus dans mon équipe recrutement ?
Sur quels critères je me base pour répartir le travail dans mon équipe ?
Qu’est-ce qui fait la difficulté d’un poste ?
Il existe 2 critères principaux, externes à l'entreprise, qui peuvent jouer sur la difficulté d'un poste : la Rareté et la Viscosité d'un marché. On va vous expliquer ce concept modélisé par WorkMeTender, et vous expliquer comment naviguer chacun de ces marchés.
La Rareté :
La Rareté fait référence à la disponibilité des profils sur le marché. Un profil commun signifie qu'il y a un grand nombre de candidats compétents et pertinents sur le marché, tandis qu'un profil rare indique une disponibilité limitée des candidats.
Dans une certaine mesure, la rareté peut aussi être créée indirectement par une forte demande, par exemple s’il y a beaucoup de profils sur le marché, mais qu’il y a encore plus d’offres, in fine le ratio de candidats disponibles et addressable sera aussi faible que sur un marché avec simplement peu de candidats.
Prenons un exemple :
En France environ 125 000 jeunes sortent chaque année des formations aux métiers industriels(1), pour entre 90 000 et 110 000 emplois par an. Pourtant seul un tiers de ces diplômés s’engage dans ces emplois, ce qui crée un déficit de 48 000 à 68 000 candidats sur l’ensemble du marché ! Ici les profils n’étaient pas rares à l’origine, mais on a échoué à leur offrir une voie séduisante et/ou satisfaisante, créant nous-mêmes la rareté de ce marché.
Prenons un autre exemple :
Si je suis étudiant fraichement diplômé en Marketing, je vais rentrer sur un marché où il y a clairement moins d’offres d’emploi que de candidats. On ne va pas venir me chercher en approche directe (cela pourra évoluer avec les années d’expérience). → Ce marché n’est pas un marché de profils rares.
La rareté des profils sur un marché est souvent appelée “pénurie”, un peu en écho au principe de “ressources” humaines. Toutes les entreprises se retrouvent à rivaliser pour recruter les mêmes candidats-cibles, pourtant l’on n’est pas dans une comparaison où des personnes se jetaient sur les paquets de farine dans les magasins pendant la pandémie de 2020 (#FunFact : il n’y avait pas de pénurie de farine à l’époque, mais un manque de personnel dans les sites qui mettaient la farine dans les emballages, c’est la raison pour laquelle la farine a fini par revenir dans de très gros sacs dans nos rayons) ;
Ce n’est pas une pénurie à proprement parler puisque les candidats sont bien là.
Peut-être ne sont-ils pas accessibles, mais les candidats potentiels ne sont pas des biens que l’on consomme : on peut agir sur la disponibilité d’un marché en donnant davantage envie à nos candidats-cibles de nous rejoindre.
La Viscosité :
La Viscosité fait référence à la facilité avec laquelle les candidats changent de poste. Un marché fluide indique que les candidats sont plus enclins à changer de poste rapidement, tandis qu'un marché visqueux suggère que les candidats sont moins disposés à changer de poste.
Prenons un exemple :
Si je suis Architecte expert engagé sur un projet, je vais avoir tendance à avoir envie de voir le projet arriver à son terme avant de changer de poste. → Ce marché a une forte viscosité.
Si je suis Développeur sur plusieurs projets en maintenance informatique, je n’ai probablement pas vu le début des projets et je n’en verrai probablement pas la fin, ce critère pèsera donc moins dans ma volonté de changer de poste. → Ce marché a une faible viscosité.
Prenons un autre exemple :
Si je suis Commerciale avec un portefeuille client très développé que j’ai mis du temps à construire, alors il faudra de très bons arguments pour me donner envie de tout recommencer ailleurs. → Ce marché a une forte viscosité.
Si je suis Commerciale en Lead Generation (prospection pure) dans une organisation où ce sont d’autres que moi qui “closent les deals”, alors c’est mon métier que de recommencer en permanence de nouveaux cycles de vente. Ce critère pèsera donc moins dans ma volonté de changer de poste? → Ce marché a une faible viscosité.
La Viscosité d’un marché fait que l’on doit s’engager dans une chronologie différente avec nos candidats-cibles : il ne s’agit pas d’être dans une approche purement transactionnelle (i.e. “j’ai un poste pour toi, veux-tu en parler ?”), mais dans une approche conversationnelle où l’on va créer de l’engagement dans le long-terme (via du content sourcing, de la marque employeur, du slow recruitment, etc…), avec un objectif simple : que les candidats potentiels pensent à nous lorsqu’ils seront prêts à changer de poste.
Alors comment évaluer les méthodes de recrutement nécessaires en fonction de ces 2 critères ?
On établit une MRV : une Matrice de Rareté-Viscosité.
Matrice de Rareté-Viscosité
La matrice est organisée comme suit :
Fluide | Visqueux | |
Commun | 1/ Profils courants fluides | 2/ Profils courants visqueux |
Rare | 3/ Profils rares fluides | 4/ Profils rares visqueux |
Vous pouvez répartir l'ensemble de vos postes et métiers dans une MRV.
Analysons ensemble les cases de la matrice
1/ Profils courants fluides :
Les postes nécessitant des profils courants fluides sont généralement plus faciles à pourvoir. Les recruteurs peuvent trouver rapidement des candidats compétents et les convaincre de changer de poste.
Les stratégies de recrutement pour ces postes peuvent être axées sur la rapidité et l'efficacité. Publiez des offres d’emploi en ligne et mettez le paquet sur l’évaluation. Si vous souhaitez améliorer l’attractivité de vos offres d’emploi, c’est ici.
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2/ Profils courants visqueux :
Pour les postes nécessitant des profils courants visqueux, les recruteurs doivent faire preuve de créativité pour attirer les candidats. Bien qu'il y ait de nombreux candidats compétents sur le marché, ils ne sont pas nécessairement prêts à changer de poste rapidement.
Les recruteurs doivent offrir des incitations attrayantes pour encourager les candidats à envisager de nouvelles opportunités. La communication de recrutement et la marque employeur sont ici vos meilleurs atouts. Si cela est adapté à votre marché, l’usage de CVthèques ou de tout autre outil qui vous indiquera le statut de recherche de vos candidats pourra s’avérer pertinent.
Ce sont également des profils pour lesquels l’aspect compétitif de votre EVP (Employee Value Proposition) sera une fondation-clé. Si vous n’avez pas encore travaillé votre EVP, c’est ici.
3/ Profils rares fluides :
C’est là que se trouvent actuellement les plus gros volumes de recrutement. Les postes nécessitant des profils rares fluides représentent un défi pour les recruteurs en raison du faible nombre de candidats disponibles en permanence sur le marché. C’est ce que l’on entend par “marché en tension”.
Cependant le marché reste fluide, et en utilisant les bonnes méthodes et en ayant un sourcing et un argumentaire adapté, ces candidats sont généralement ouverts à de nouvelles opportunités. Les recruteurs doivent se concentrer sur l'identification rapide de ces candidats et les approcher avec des offres adaptées à leurs attentes. Pour des profils rares fluides, le sourcing et l’approche directe sont les méthodes les plus adaptées.
Mais attention à la “propreté” de vos approches directes !
A l’heure où le sourcing est facile à automatiser, il n’est n’en pas de même de l’engagement. Et avec des profils rares, le bouche à oreilles fait vite circuler votre réputation.
De la même façon, si vos profils sont rares, il ne faut pas les “gâcher”.
Ça ne sert à rien de toute mettre sur le sourcing si vos pratiques d’évaluation et l’expérience candidat fournie ne sont pas suffisantes (quel est votre taux de transformation entre les candidats qui acceptent d’échanger avec votre équipe recrutement, et ceux qui finissent par accepter une offre ? C’est le niveau de qualité de votre processus de recrutement post-sourcing).
Vos pratiques de sourcing et d’expérience candidat peuvent alors est un handicap, ou un atout : le bouche à oreilles marche pour les bonnes comme pour les mauvaises expériences !
Si vous voulez muscler le niveau de qualité de votre processus de recrutement, c’est ici.
4/ Profils rares visqueux :
AH. Nous y voilà. Les postes nécessitant des profils rares visqueux sont les plus difficiles à pourvoir. Les recruteurs doivent investir des efforts significatifs pour identifier et convaincre ces candidats d’envisager de nouvelles opportunités. On parle souvent ici du “marché de niche”.
Si votre marché est “niche” : rentrez dans la niche et dites Bonjour.
Il s’agit ici de faire en sorte de connaitre vos candidats-potentiels, mais également qu’ils vous connaissent aussi. Abandonnez l’approche transactionnelle et mettez l’accent sur autre chose : faites en sorte que vos candidats-cibles aient toutes les infos pour vous choisir lorsqu’ils seront prêts à changer de poste.
Ça demande un travail de fond, mais c’est là que les investissements dans l’équipe Talent Acquisition sont les plus stratégiques.
Quelle charge de travail en interne pour un Recruteur ?
La difficulté du quotidien d'un recruteur ou sa charge de travail ne peuvent cependant pas être définis uniquement par des critères externes à l'entreprise : certains efforts se jouent avant tout en interne. Et les 2 facteurs les plus impactants en interne pour une équipe Talent Acquisition sont la Friction interne et le Volume.
La Friction interne :
Parfois, les difficultés d’un recrutement ne sont pas uniquement sur le marché : elles sont aussi dans votre entreprise.
De nombreux aspects peuvent freiner un recrutement, rendre la tâche des recruteurs plus difficiles, ou simplement augmenter leur charge de travail. Ces éléments sont des frictions internes, des forces de frottement qui viennent ralentir l'effort de recrutement jusqu’à parfois changer sa direction.
Voici des exemples de frictions internes :
Tous les managers n’ont pas le même niveau d’autonomie sur leurs recrutements (et donc un accompagnement plus fort, est nécessaire de la part des recruteurs) ;
Tous les managers n’ont pas le même niveau d’engagement dans leurs recrutements (et donc des efforts supplémentaires sont nécessaires de la part des recruteurs) ; Un bon recruteur préférera toujours 30 postes à pourvoir avec des managers qui collaborent que 10 avec des managers qui ne l’écoutent pas et mènent des actions qui peuvent s’avérer contre-productives pour le recrutement.
Tous les départements n’offrent pas les mêmes perspectives d’horizons et de stabilité ; ce n’est pas la même chose que de recruter dans une entreprise qui embauche 200 personnes sur le même métier tous les ans depuis 15 ans, et une startup qui peut vous demander de revoir tout le plan de recrutement 3 fois par an. Bien sûr, c’est le jeu lorsque l’on travaille en startup, mais on ne peut pas considérer que cette charge de travail (et la charge mentale qui en découle) sont dans l’épaisseur du trait : il faut en tenir compte.
Tous les processus de recrutement n’ont pas les mêmes procédures de validation. Certains process garantissent aux recruteurs que toutes les missions de recrutement qui arrivent jusqu’à eux ont été validées, budgétées, challengées, considérées en interne, etc… quand d’autres process impliquent que l’ensemble de ces tâches reviennent à l’équipe Talent Acquisition.
Vous aurez compris l’idée : il serait faux de penser que 100% des efforts de recrutement d’une équipe Talent Acquisition soient tournés vers l’externe, il y a nécessairement des efforts et une charge de travail qui se joue en interne.
Mon conseil, c’est simplement de l’accepter, pour mieux le mesurer.
Car ce qui compte en tant que Responsable Recrutement ou DRH, c’est bien de pouvoir prendre des décisions éclairées sur la stratégie et les actions de Recrutement.
Le Volume :
On ne déploie pas les mêmes efforts lorsque l’on a un poste unique sur lequel recruter pour un métier, et que l’on sait que l’on n’en aura probablement pas d’autres dans l’année, que lorsque l’on recrute plusieurs dizaines de profils similaires sur un même exercice.
Il y a ici des facteurs qui peuvent pondérer à la fois positivement et négativement la charge de travail d’un recruteur.
Par exemple :
Si je recrute 1 Expert DevOps dans l’année, même si mon profil est un marché que l’on peut considérer Rare et Visqueux, je ne vais pas investir dans une démarche de recrutement de long terme. Ça ne serait simplement pas rentable de développer une stratégie de contenu, des événements et un sourcing conversationnel uniquement pour 1 seul poste.
C’est d’ailleurs un des cas dans lesquels externaliser son recrutement peut être pertinent : si vous n’avez pas de volume en prévision sur un marché précis, et que vous devez monter en compétences rapidement sur ce marché pour un seul poste, à part si vous avez beaucoup de temps libre (on est d’accord cette hypothèse c’est de la science-fiction), votre temps sera plus utile et rentable sur d’autres tâches et missions.
A l’inverse, si vous avez pour projet de recruter 10 Experts DevOps dans l’année (et on parle de CDI, donc la probabilité qu’il faille à minima gérer le turn-over de cette population les années suivantes est forte), même si vous n’y connaissez rien, ça devient intéressant pour vous d’investir :
Investir en vous : gagner en connaissances sur le marché, s’intéresser à ces métiers, prendre le temps d’échanger avec suffisamment de personnes de ce marché pour développer un vernis technique ;
Investir dans votre process de sourcing et de recrutement : développer des approches de sourcing durables, créer du contenu dédié, élaborer un processus de recrutement qui permette une évaluation poussée et une expérience candidat adaptée, etc…
Il conviendra donc de juxtaposer le volume de postes sur un métier donné avec sa récurrence d’une part, et avec le niveau d’expertise du recruteur sur ce métier d’autre part, pour pouvoir évaluer correctement la charge de travail engagée sur ces missions de recrutement.
Le Volume est un facteur complexe en Recrutement
Pour le dire autrement : sur un seul métier, la courbe de difficulté grimpera très vite dès le premier poste à recruter, mais cette difficulté tendra à se stabiliser puis à redescendre un peu avec le volume de postes sur ce métier ; c’est ici l’intérêt d’investir s’il y a récurrence.
En revanche, comme on peut le voir ici la courbe de difficulté n’est pas linéaire : si le volume de postes continue d’augmenter, alors il arrivera un moment où les efforts que nous aurons mis en place ne seront plus suffisants.
Face à un volume encore plus important, il sera nécessaire de s’adapter et de revoir ses pratiques de sourcing et son processus de recrutement pour rester pertinent et rentable au regard de l’objectif de recrutement.
Est-ce que tous mes recruteurs doivent gérer le même nombre de postes ?
A pondération de travail équivalente, tous les recruteurs ne performent pas autant.
Certains ont une forte expérience quand d’autres sont débutants, certains ont développé un haut niveau de compétences quand d’autres pourraient gagner en expertise.
Par exemple :
Certains vont obtenir des taux de réponse plus élevés en sourcing, d’autres vont savoir développer plus rapidement des relations avec les Hiring Managers. Parfois, ce seront les mêmes (ceux-là, payez-les chers et gardez-les bien au chaud chez vous).
C’est tout le travail d’un Responsable Recrutement ou d’un DRH que de pouvoir mettre en parallèle la pondération de la charge de travail et la capacité d’un recruteur à la remplir.
Alors est-ce que mes recruteurs doivent tous gérer le même nombre de postes ?
Si vous avez suivi cet article, vous devez déjà avoir la réponse.
A volume de postes équivalent, il est compliqué d’envisagé que tous les recruteurs d’une même équipe aient la même charge de travail (sans même parler de l’impact des saisonnalités).
En tant que Responsable Recrutement, DRH ou Chief People Officer, vous avez deux choix :
Soit vous focalisez vos recruteurs sur leurs zones d’expertise, auquel cas leur charge de travail et leurs objectifs doit être calculée en fonction de l’activité réelle qui est la leur, et tous n’auront pas les mêmes objectifs (exemple simple : ce n’est pas la même charge de travail de recruter 30 Conseillers de Service Client, et 30 Data Engineers). Vous devrez alors avoir une pondération différente, telle une “monnaie d’échange”, et ne plus raisonner en nombre de postes, mais bien en quantité de charge de travail au regard des critères de difficultés des postes ;
Soit pour des raisons d’équité apparente ou de simplicité dans les objectifs, vous souhaitez que toute l’équipe ait les mêmes objectifs de nombres de postes à pourvoir (par exemple : objectif de 25 recrutements dans l’année pour tout le monde, que l’on soit recruteuse chevronnée ou junior, peu importe les critères de marché ou de difficulté). Alors il sera compliqué de confier des zones d’expertise dédiées à chaque personne de l’équipe Talent Acquisition, à nombre de postes égal, il faudra panacher les portefeuilles de postes de l’équipe de manière à répartir la charge de travail et la difficulté en fonction de ce que chacun pourra absorber personnellement. Il vous faudra donc également avoir une évaluation de la pondération de la charge de travail.
Alors quels objectifs pour mes recruteurs ?
Vous l’aurez compris, il n’y a pas de réponse toute faite à cette question. Ca demande une réflexion, une analyse, et vraie pondération de la charge de travail engendrée par le recrutement.
Mais c’est ainsi que les équipes les plus performantes en recrutement arrivent à motiver, challenger et conserver leurs équipes Talent Acquisition dans la durée : en tenant compte de la réalité du marché, et de la réalité de leur propre entreprise.
C’est d’ailleurs un sujet sur lequel on peut vous aider, comment on l’a fait avec beaucoup d’entreprises.
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Et si vous souhaitez avoir des idées OKR pour vos recruteurs, on vous en donne plein ici.
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